Dans son dernier communiqué, le Ministère des Affaires Etrangères du Tchad « tient le gouvernement centrafricain entièrement responsable des conséquences » de la mort et de l’enlèvement de soldats tchadiens par des militaires centrafricains suite à l’attaque de son poste avancé de Sourou, dimanche 30 mai à 5 heures du matin, non loin de la localité de Mberé.

En réponse, le Gouvernement Centrafricain a publié ce 31 mai 2021 un communiqué et met en cause le mode opératoire de la rébellion de la CPC. Dans sa déclaration, pour faire la lumière sur cette affaire et la quiétude des populations, le Gouvernement s’est dit « disponible pour travailler avec la partie tchadienne pour préserver la paix et la sécurité chers à nos deux Gouvernements ». Aussi, « une mission du Gouvernement se rendra à Ndjamena dans le plus brefs délais ».

Interprétation et demande d’une diplomatie apaisée entre Bangui et Ndjamena

Cette démarche de la République Centrafricaine est le vœu de l’opinion des deux pays. Le Tchad longtemps considéré comme une base arrière des groupes armés qui écument et déstabilisent la République Centrafricaine dont il partage une longue frontière et des cultures est une nouvelle fois en crise avec ce pays, à lire le communiqué du Ministère des Affaires Etrangères.

Face à cette énième situation, une partie de l’opinion centrafricaine croit à la manipulation de l’opinion pour justifier une crise entre Ndjamena et Bangui et déstabiliser le pouvoir du Président Faustin Archange Touadera à un moment où français et russe sont à couteau tirer sur l’échiquier politique national.

Ainsi des voix se sont élevées pour que la RCA active rapidement sa diplomatie. C’est le cas de l’opposant Crépin Mboli-Goumba qui dans un post Facebook a déclaré: « je suggère qu’une délégation de haut niveau, composée du Premier Ministre, du Ministre des Affaires Étrangères et du Ministre de la Défense se rendent au Tchad afin de permettre une désescalade. Car au minimum, à défaut de guerre, la réaction légitime de ce pays serait une certaine complaisance vis-à-vis de ceux qui veulent porter la guerre jusqu’au cœur de la capitale, Bangui ».

Même son de cloche pour Mr Abakar Moussa Abakar de nationalité tchadienne en commentaire sur Al-Whida Info qui estime que « n’est-il pas indispensable de passer à une diplomatie apaisée que de penser à des représailles et tenir son voisin responsable de tout. Il est important de rappeler notre part de responsabilité vers la RCA suite au changement du régime qui a amené Bozizé au pouvoir ».

 Bangui et Ndjamena devra éviter l’escalade par procuration?

Dans les années 1980 jusqu’en 1990, la RCA a toujours servi de plateforme à l’Armée Française pour combattre les velléités de la Libye sur le Tchad. Des opérations conjointes sont aussi menées par les deux armées pour sécuriser leurs frontières communes. Cependant, deux Chefs d’Etat centrafricains (Ange Félix Patassé en 2003 et François Bozizé en 2013) ont été évincés du pouvoir par des rébellions soutenus par le Tchad.

Puis depuis l’offensive des FACA et leurs alliés russes et rwandais, les éléments de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) se sont pour la plupart retirés en territoire tchadien et lance des escarmouches en territoire centrafricain. Alors, pour éviter une escalade qui friserait une guerre par procuration en cas de conflit militaire entre les deux pays voisins, les puissances (actrices invisibles) qui tirent la ficelle dans ces pays auront beaucoup à gagner, mais pas le Tchad et la RCA.

 Interrogé, un spécialiste de la région a déclaré à notre journal qu’il espère que « le Tchad n’osera pas attaquer la Centrafrique car, il ne prendra pas de risque sur sa frontière Sud en déployant son armada au détriment du Nord avec la présence du FACT qui était il y a un mois à 300 km de Ndjamena ».

L’autre facteur à prendre en compte par Ndjamena est la présence russe en Centrafrique, au Soudan et en Libye à ses frontières. Pareillement, la RCA qui après de longue années de conflit devra consacrer son économie à sa reconstruction et non à une déstabilisation de son voisin du Nord.

Mais pour la sécurité de ses frontières Nord, « une base lourdement équipée doit être installée (..), car cette frontière est la plus redoutable et dangereuse, que l’ennemi utilise régulièrement pour déstabiliser notre pays », a suggéré l’activiste centrafricain des réseaux sociaux, Prézi Zem.

Cet incident est la première depuis la reconquête du territoire national par les Forces Armées Centrafricaines après près de  8 ans sous la coupe des groupes armés.

Junior Max Endjigbongo