Le projet Altair qui bénéficie d’un financement de l’Union européenne a organisé mardi 20 décembre, une rencontre-débat à l’amphithéâtre Alphonse Blague dans l’enceinte de l’Université de Bangui sur ce programme européen qui appuie la réforme de la justice et de la sécurité en RCA.

Plus de cent étudiants de l’Université de Bangui, les élites de demain ont pris part à cette rencontre qui a été animée par les experts du projet Altair du « Programme européen de réforme de la justice et de la sécurité en RCA » (REJUSEC) et un panel de journalistes de renom. Pour rappel, ce projet fournit un appui technique au ministère de la Justice et des Droits de l’Homme ainsi qu’au ministère de l’Intérieur chargé de la Sécurité Publique dans le cadre de la stratégie nationale de réforme de ces deux secteurs clés

C’est le Professeur Gérard Grézenguet, Recteur de l’Université de Bangui qui a lancé la rencontre-débat en présence du Professeur Jean-Claude Azoumaye, Doyen de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, du Professeur Jérémy Doui-Wawaye, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, de M. Carlos ABAITUA (Représentant de l’Union européenne) et de M. Achille Tono, chef d’équipe Altair du projet d’assistance technique de l’Union européenne auprès du Ministère de la Justice et celui de la sécurité.

Cette activité a été une occasion d‘échanger et de partager avec le grand public centrafricain les informations sur les enjeux des actions menées par ce programme européen qui vise, entre autres, à renforcer les capacités des départements ministériels afin d’aller vers la modernisation tant sur le plan institutionnel qu’opérationnel de ces deux administrations stratégiques.

Le Pr. Gérard Grézenguet, Recteur de l’Université de Bangui a rappelé que l’Université est le lieu par excellence où sont dispensés les enseignements de disciplines scientifiques pour la formation des cadres de haut niveau et pour le développement de la recherche scientifique et technologique. Pour lui, l’Université est ouverte sur le monde à travers des échanges intellectuels où chacun peut venir écouter et participer aux débats publics et démocratiques. Et de souligner que « Cette rencontre présente un grand intérêt pour la communauté universitaire de Bangui, pour les étudiants qui vont être des futurs hauts cadres dans ce pays. Il s’agit d’une rencontre qui concerne la réforme de la justice et la sécurité intérieure du pays ».

Présentation et débat

Selon M. Achille Tono, expert en Finance Publique et chef du projet Altair, le programme se décline en trois résultats spécifiques à atteindre : renforcer le fonctionnement des deux ministères, développer et mettre en œuvre les stratégies et politiques sectorielles et mettre en œuvre la loi votée en 2018 dans sa plénitude. « Le projet appuie depuis quelques années les Ministères de la justice et de la sécurité. Jusqu’ici, les informations sont restées beaucoup plus dans le cercle institutionnel et partagées avec bénéficiaires directs. Donc, les acteurs et les partenaires sont les seuls qui ont connaissance fine de ce que nous faisons. C’est important de venir auprès des étudiants, qui, à notre avis sont des relais importants pour pouvoir discuter de ce qui se fait en matière de renforcement et de gouvernance en Centrafrique», a-t-il souligné.

Au cours de l’échange, les préoccupations des étudiants se sont davantage tournées vers les questions d’indépendance de la justice centrafricaine et de la corruption. Des magistrats ont répondu à ces préoccupations en mettant en exergue les différents mécanismes et normes mis en place pour garantir l’indépendance de la justice et lutter efficacement contre la corruption.

S’agissant de la corruption, il convient de noter que le Code Pénal et le Code Procédure Pénale sont en cours de révision grâce à ce projet européen et qui devrait intégrer tous les aspects sanctionnant la corruption. D’emblée, une loi est en circulation ainsi qu’un numéro vert qui sera lancé afin de permettre à toute personne victime ou témoin de la corruption de dénoncer cet acte. Tout cet arsenal juridique permettra de lutter efficacement contre la corruption afin que la justice soit réceptive pour les populations centrafricaines.

Selon M. Nouh Nordine, étudiant en master 1 à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques qui a participé à ces échanges, la rencontre a permis de comprendre ce projet : « Premièrement, sur la question de la réforme de la Justice, nous savons tous que sans la justice moderne, indépendante et forte, un pays ne peut pas aller sur la voie du développement puisque l’impunité et une justice faible mènent et alimentent le cycle de violences. Pour remédier aux crises que nous traversons, il faut une justice équitable et je suis optimiste que grâce à cet appui européen, nous parviendrons à changer la donne ».

En effet, sur le plan de la justice, le programme œuvre pour l’élaboration de documents clés, comme les codes de déontologie des avocats, des notaires, des huissiers de justice et du personnel de l’administration judiciaire. Des ateliers de sensibilisation avec les responsables du ministère de la justice, des juridictions et auxiliaires de justice sont également envisageables. Pour y arriver, l’appui de l’Ecole Nationale d’Administration et les Magistrats en RCA doit être tangible.

Sur le plan de la sécurité, le projet Altair appuie la révision de la stratégie nationale de la réforme du secteur de sécurité (RSS), et formule avec les directeurs généraux du ministère l’expression des besoins nécessaires aux déploiements des Forces de Sécurité Intérieure sur l’ensemble du territoire. Ce projet participe également au processus visant la restauration de l’autorité de l’Etat sur tout le territoire et contribue à la rédaction du Plan National sur la chaîne du renseignement, de la contribue à la rédaction du rapport pays semestriel relatif aux mesures d’embargo. Le projet de l’UE mis en œuvre par Altair soutient également l’Unité Mixte d’Intervention Rapide et de Répression (UMIRR) notamment à travers la création d’une antenne régionale à Bouar. 

A cet égard, l’appui budgétaire sectoriel a fourni une importante aide complémentaire à la mise en œuvre de la stratégie de redéploiement et redimensionnement des forces de sécurité sur le territoire.  Le projet accompagne les cadres financiers de ces deux départements à la compréhension et l’élaboration des maquettes budgétaires et l’implantation du budget programme dont le basculement est attendu au 1er janvier 2025.

En outre de ces tâches, le projet UE mis en œuvre par Altair contribue significativement à l’amélioration de la sécurité intérieure, de la justice et de l’État de droit en RCA, en vue de la consolidation de la démocratie et de l’instauration d’une paix durable.

Mme Curolle Ndobanendji, étudiante en master 1 option Droit public, salue la tenue de cette rencontre et souhaite son extension. « Vu les réussites du projet de ces deux ministères, j’aurais souhaité que la démarche s’étendent également au programme du désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement (DDRR) des ex-combattants qui relève du domaine de la défense et ne fait pas partie de ce programme européen.», a-t-elle soulignée.

Plusieurs autres participants à cette rencontre débat ont exprimé leur souhait de voir pérenniser ce projet et son extension vers les autres ministères dont ceux de l’éducation, de la formation professionnelle et des recherches scientifiques afin que les acquis soient bénéfiques à la jeune génération.

Il est à noter que le programme Altair, prévu pour 3 ans, est financé par l’Union européenne pour plus de 5,3 millions d’euros (Près de 3,5 milliards de francs CFA). Ses contributions ont permis aujourd’hui à ces deux ministères de renforcer leurs capacités institutionnelles et opérationnelles et à disposer de lettres de missions basées sur les résultats et la redevabilité.

Milca Bissidi.