Résume de l’allocution de Mankeur Ndiaye, Représentant spécial du Secrétaire général, chef de la MINUSCA, lors de la présentation du Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine au Conseil de sécurité, le 22 février 2022

Je tiens à vous remercier ainsi que le Secrétaire général de me faire encore une fois l’honneur de prendre la parole aujourd’hui, devant vous, pour vous présenter son rapport sur la situation en République centrafricaine, en application des dispositions pertinentes de la Résolution 2605 du 12 novembre 2021. J’aimerais, dès l’entame de mon propos saluer l’intérêt que vous continuez de porter à la situation en République centrafricaine ainsi que le soutien unanime apporté à la MINUSCA en renouvelant son mandat et en l’adaptant sans cesse aux contexte et exigences de la situation sur le terrain. 

Je saisis cette occasion pour renouveler mes félicitations et vœux de succès au nouveau Premier ministre Monsieur Félix Moloua et à son Gouvernement qui a assurément de nombreux défis à relever, notamment la mise en œuvre de l’Accord de paix, la conduite du dialogue républicain, la restauration de l’autorité et des services de l’État conformément aux exigences de l’État de droit pour une prise en charge effective des populations affectées par la crise, (…)

Des progrès vers la paix et la stabilité en République centrafricaine sont notés et se poursuivent avec des défis toujours présents. À la suite de l’adoption de la feuille de route conjointe de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs, le 16 septembre 2021 et de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral par le Président Touadéra le 15 octobre, des représentants de cette organisation sous-régionale ont effectué une visite de suivi à Bangui le 14 janvier 2022 pour faire avancer la mise en œuvre effective de la feuille de route pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine. (…)

Le succès de la feuille de route n’est possible que s’il existe une forte volonté politique et si tous les acteurs matérialisent, sans équivoque et de manière irréversible, leur commune volonté de dépassement de la crise par l’exécution de bonne foi de toutes leurs obligations. (…)

Les partenaires de la République centrafricaine, la MINUSCA en premier, continuent de jouer un rôle proactif en soutenant les conditions propices à la poursuite du processus de paix. La complémentarité entre la feuille de route conjointe et de l’Accord de paix du 6 février 2019, devrait faciliter des interactions synergiques, et promouvoir la revitalisation dudit Accord. (…) 

La MINUSCA travaille à remobiliser tous les partenaires et fait un usage optimal de ses bons offices et de sa Force afin d’accroître la contribution des partenaires internationaux au processus de paix et de s’assurer, avec toutes les parties prenantes, de la crédibilité et de l’intégrité de l’Accord. (…)

Aussi, la Mission, à travers ses bons offices, contribue-t-elle à faire avancer le processus politique en République Centrafricaine. Avec ses partenaires, la MINUSCA s’est employée, auprès du Gouvernement et de l’opposition politique républicaine, à instaurer un climat de confiance pour sortir de l’impasse dans laquelle les préparatifs du dialogue républicain se trouvaient, en raison du retrait de l’opposition de ce processus. (…)

J’appelle tous les acteurs politiques à poursuivre cet élan positif afin de contribuer à la tenue d’un dialogue républicain sincère, inclusif et constructif, de nature à générer des accords en faveur de la stabilité et de la réconciliation nationale. Conformément à son mandat, la MINUSCA continuera à soutenir le processus préparatoire et la création de conditions propices à la bonne tenue du dialogue, que le Gouvernement prévoit d’organiser au mois de mars. Les attentes sont grandes. (…)

Avec son mandat d’assistance électorale, la Mission continue de soutenir les Autorités nationales et de travailler avec la Communauté internationale afin de s’assurer de la bonne tenue des élections locales qui vont grandement contribuer à l’approfondissement du processus de démocratisation par la promotion d’une gouvernance locale inclusive. (…) Pour que le processus soit pleinement à la hauteur des attentes et au service de toute la population, j’encourage le Gouvernement à déployer tous les efforts possibles pour l’apaisement du climat politique. J’appelle également la communauté internationale à poursuivre son soutien à l’organisation de ces élections qui découlent des dispositions de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation. Il faudrait quelque dix millions de dollars US pour assurer le financement complet de ces élections.

 En dépit de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral en octobre 2021, la situation sécuritaire demeure préoccupante. En effet, dans certaines parties du territoire, des opérations militaires sont en cours contre des groupes armés, membres de la Coalition des Patriotes pour le Changement. À ces opérations militaires, s’ajoutent les représailles menées par les groupes armés à la fois contre les forces de sécurité nationale et les populations. Je note les progrès réalisés au cours de ces opérations en termes de reprise du contrôle du territoire, précédemment occupé par des groupes armés. Je déplore néanmoins que des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire continuent d’être commises par toutes les parties au conflit, y compris l’usage excessif de la force ainsi que le ciblage de certaines communautés dans les théâtres d’opérations, les violences sexuelles basées sur le genre et/ou liées aux conflits ainsi que le recrutement, les abus et l’utilisation d’enfants par des groupes armés. J’exhorte les autorités centrafricaines à mener les enquêtes requises, poursuivre les auteurs de ces violations et rendre ainsi justice aux victimes. J’encourage les autorités nationales à prendre des mesures tangibles et immédiates pour prévenir les violations des droits de l’homme commises par les forces de défense et de sécurité et les autres personnels de sécurité. (…)

Dès lors, il me semble plus que jamais urgent, au regard de l’extension significative de l’autorité de l’État, d’encourager le Gouvernement à explorer une démarche plus équilibrée qui tempère la prédominance des opérations militaires par la poursuite, des processus politique et de paix. L’action militaire est certes nécessaire, mais pas suffisante à elle seule pour apporter des solutions politiques durables à la crise centrafricaine. Non, il n’y aura pas de solution militaire exclusive à la crise. Ceci est d’autant plus fondé que le recours actuel aux supplétifs par les forces armées centrafricaines, si l’on y prend pas garde, est susceptible de compromettre les initiatives de désarmement, de démobilisation et de réintégration en cours, de ruiner les gains engrangés dans le processus de réforme du secteur de la sécurité, de fragiliser l’œuvre de réconciliation nationale et de répandre un climat de suspicion mutuelle de nature à raviver les  tensions aux relents ethniques et/ou religieux.

J’exhorte les autorités nationales à préserver l’intégrité des efforts de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement en se conformant au cadre national actuel unique et au programme de réduction de la violence communautaire, en empêchant toute initiative parallèle qui saperait tous ces efforts. (…)

Je tiens, à féliciter les autorités nationales dans leur volonté de mise en œuvre de la feuille de route sur la Réforme du Secteur de la Sécurité, approuvée par le chef de l’État en août 2021, dont les documents cadres, notamment la Politique Nationale de Sécurité et la Stratégie Nationale RSS, font aujourd’hui l’objet d’une révision en vue de leur mise à jour.

(…) J’attire l’attention sur la banalisation de l’utilisation d’engins explosifs par les parties au conflit notamment dans l’Ouest du pays. Je condamne fermement l’utilisation des engins explosifs aux conséquences dramatiques et appelle les parties prenantes au conflit à renoncer à leur usage immédiatement. Il leur revient, dans ce contexte, de faciliter l’accès aux personnes en quête d’assistance humanitaire et de protection. En raison de la recrudescence de l’utilisation de ces engins explosifs en RCA, j’encourage le Gouvernement centrafricain à explorer avec le soutien des partenaires la mise en place d’un mécanisme national en charge de la lutte antimines.

(…) La justice doit aller de pair avec la réconciliation pour favoriser une paix durable. J’encourage les autorités nationales, avec le soutien des partenaires internationaux, à poursuivre leurs efforts pour renforcer le système judiciaire afin de faire respecter la loi de manière impartiale et indépendante. Je salue la tenue de la première audience publique de la Chambre préliminaire de la Cour pénale spéciale, qui témoigne des progrès réalisés dans la lutte contre l’impunité. J’appelle au respect de l’indépendance et de l’impartialité de la Cour Pénale Spéciale. Il est essentiel de créer un environnement qui permette à la Cour de s’acquitter pleinement de son mandat, notamment de mener des enquêtes et d’engager des poursuites. Avec le concours des partenaires internationaux et du Gouvernement, les structures et les bases nécessaires à la lutte contre l’impunité sont en place. Mais la justice ne peut servir la réconciliation que si les jugements sont rendus. J’appelle donc à prendre toutes les mesures possibles pour assurer l’exécution des mandats d’arrêt de la Cour Pénale Spéciale.

J’aimerais relever au titre des développements positifs, pour m’en réjouir, les efforts déployés par le Gouvernement pour l’opérationnalisation de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation. Les membres de cette Commission, nommés dans le respect de la parité homme/femme, sont à pied d’œuvre et peuvent permettre à la République centrafricaine de franchir un tournant décisif vers la promotion du droit des victimes à la vérité, à la justice et à la réparation, étape incontournable vers la réconciliation nationale. 

(…) Je déplore le climat délétère entretenu par des campagnes de désinformation qui nuisent aux relations entre le Gouvernement, la population et la MINUSCA et alimentent des comportements hostiles de la population et des forces armées et de sécurité intérieure. J’appelle le gouvernent à lutter contre ses agissements, y compris à travers des poursuites judiciaires, pour renforcer notre collaboration dans la mise en œuvre conjointe du mandat que le Conseil de sécurité nous a confié.

Je déplore également la persistance des violations de l’Accord de siège, avec 17 violations documentées entre le 1er octobre 2021 et 1er février 2022.  Toutefois, je tiens à saluer la réactivité du Président de la République face aux cas de violations du SOFA soumis à sa haute attention. J’invite à nouveau le Gouvernement à continuer le dialogue avec la MINUSCA dans l’intérêt de la sécurité et de la sûreté du personnel de maintien de la paix. Je salue la disponibilité du nouveau Premier Ministre à cet égard.

Par ailleurs, je souhaite souligner les progrès réalisés dans le traitement des incidents relatifs aux exploitations et abus sexuels. La MINUSCA a entrepris un audit stratégique dont l’objectif premier est d’améliorer sa gestion des risques d’exploitation et d’abus sexuels dans le cadre d’une approche plus intégrée et plus proactive. 

En RCA, les progrès sont réels, mais les défis restent nombreux. Le rôle actif de la Mission demeure essentiel pour soutenir les ajustements nécessaires au processus de paix dont les contours sont dessinés par l’Accord de paix, la feuille de route conjointe, le dialogue républicain et les élections locales. (…)  Une fois encore, j’appelle le Gouvernement et la communauté internationale à soutenir la mise en œuvre de la résolution 2605, pour apporter la stabilité, la cohésion sociale et le développement à tous les Centrafricains.

MINUSCA