Communiqué conjoint final à l’issu du dialogue politique organisé à Bangui entre l’Union européenne et la Centrafrique

Après la tenue des dernières élections émaillées par une crise militaro-politique, et au lendemain d’une visite conjointe de haut niveau de l’UA-ONU-UE-CEEAC qui a permis de rappeler les fortes attentes des partenaires, l’Union européenne et la République centrafricaine se sont accordées sur un nouveau cadre mutuel de dialogue et d’engagements, articulé autour de l’accord de paix et de réconciliation, pour promouvoir les valeurs démocratiques, la bonne gouvernance, la sécurité, la justice, et soutenir les efforts en matière de développement et de droits humains, pour le plus grand bénéfice de la population centrafricaine dans son ensemble.

Ce dialogue était co-présidé par S.E. Faustin-Archange Touadéra, Président de la République centrafricaine, et par S.E. Mme Samuela Isopi, Ambassadrice de l’Union européenne à Bangui, en présence du Premier ministre, S.E. Henri-Marie Dondra, des membres du Gouvernement nouvellement mis en place, du Vice-Amiral Hervé Bléjean, directeur des capacités militaires de planification et de conduite de l’UE, des Ambassadeurs de l’Allemagne, de la Belgique, et de la France, ainsi que des chefs des deux missions européennes déployées en RCA, en appui aux forces de défense et de sécurité, EUTM et EUAM.

Ce dialogue soutenu et régulier sur toutes les questions d’intérêt mutuel est prévu par l’article 8 de l’Accord de Cotonou, sur les relations entre l’UE et les pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique). Les échanges francs durant ce dialogue ont permis de faire le tour de toutes les questions prioritaires et d’actualité politique et stratégique, notamment (1) la situation politique après les élections, la mise en place du nouveau gouvernement, la préparation du dialogue républicain et les préoccupations relatives aux libertés fondamentales, (2) la réforme du secteur de sécurité et les leçons tirées de l’appui européen à travers les missions EUTM et EUAM, ainsi que la clarification de leur rôle en coordination avec d’autres acteurs, (3) la relance de l’Accord de paix, notamment la mise en œuvre des recommandations de l’UE et le renforcement du rôle des institutions de la sous-région, (4) les priorités du nouveau gouvernement et les réformes nécessaires en vue de la relance du dialogue avec les partenaires, (5) les questions de la justice, des Droits de l’homme et du droit international humanitaire, (6) le phénomène inquiétant de la désinformation, et enfin (7) la nécessité d’un cadre d’engagement et de redevabilité pour renforcer le dialogue et la confiance dans la relation avec l’Union européenne.

1. D’entrée, le Chef de l’Etat s’est voulu rassurant en affirmant que le partenariat UE-RCA ne souffre d’aucun tabou et est inscrit dans la durée. Il réaffirme que le pays a besoin de ses partenaires et de l’Union européenne et promet d’engager des réformes dans tous les domaines de la vie nationale en se servant du RCPCA et du cadre d’engagement mutuel comme aiguilleur.

2. Les deux parties ont salué la tenue des élections présidentielle et législatives organisées avec l’appui des partenaires internationaux, particulièrement de l’Union européenne et de ses Etats-Membres qui ont assuré un appui multiforme et ont noté la détermination de la population, qui a courageusement exprimé ses aspirations légitimes et fortes attentes pour un avenir en paix.

3. Les deux parties ont ainsi renouvelé leur condamnation de toute violence et tentative de déstabilisation et de prise de pouvoir par la force et confirmé leur attachement au renforcement des institutions et de la gouvernance démocratique. Le gouvernement centrafricain s’est engagé à renforcer le processus électoral par la tenue des élections locales inclusives, transparentes et crédibles, nécessaire pour renforcer la gouvernance locale, ouvrir la voie à la décentralisation et consolider l’inclusion et la participation de toutes les communautés et les groupes du pays à la prise de décisions. Les parties se sont accordées sur la nécessité de renforcer la participation des femmes et des jeunes et de continuer à améliorer la qualité et la transparence du processus.

4. L’Union européenne a salué l’annonce par le Président de la tenue prochaine du dialogue républicain, qui se doit d’être crédible et inclusif afin de permettre de sortir de la crise actuelle, restaurer la confiance et contribuer à la réconciliation et l’unité nationales de manière durable. Très attentive aux mesures restrictives et à certaines tendances observées en matière d’espace des libertés, l’UE a noté le relâchement de certaines mesures restrictives et a rappelé son attachement à l’inclusivité de ce processus dès la phase de la mise en place du comité d’organisation. Elle espère également que les questions fondamentales à la genèse du conflit, notamment la bonne gouvernance, démocratique et économique, la lutte contre la corruption et l’impunité, l’Etat de droit, le respect des libertés fondamentales, la lutte contre la désinformation et les discours de haine, ainsi que la gestion légale et transparente des ressources naturelles, retenues parmi les thématiques, seront abordées avec franchise et que les conclusions serviront de feuille de route et d’orientations pour les travaux du nouveau gouvernement. 

5. Les deux parties ont évalué et salué les avancées dans le cadre de la réforme du secteur de sécurité, engagées avec l’appui des missions EUTM et EUAM de l’UE sur demande des autorités centrafricaines. Des leçons ont également été tirées du Plan intégré de la sécurisation des élections. Une revue de la Réforme du secteur de sécurité a été souhaité, au regard de l’actualisation de la stratégie nationale et du plan national de défense et de l’implication de différents acteurs dont les interventions nécessitent transparence, cohérence et coordination. 

6. L’Union européenne et ses Etats membres ont fait part de leurs préoccupations quant au niveau de violence et aux allégations de graves violations des droits de l’homme perpétrées contre la population civile par les groupes armés, mais également par les FACA et leurs alliés, également évoquées par le Secrétaire général des Nations Unies dans son dernier rapport au Conseil de Sécurité du 23 juin 2021. Dans l’optique de garantir la poursuite de son engagement aux côtés des FACA, l’UE a pris note de la mise en place de la Commission d’enquête spéciale et de la volonté du gouvernement de mener des enquêtes indépendantes et transparentes permettant d’établir les responsabilités et de prendre les mesures qui s’imposent, tant au niveau administratif et disciplinaire, que judiciaire à l’endroit des auteurs de telles violations.

7. Préoccupée par la situation humanitaire dans le pays qui s’est fortement aggravée et par le nombre de déplacés et de centrafricains ayant besoin de protection et assistance, l’UE a obtenu du gouvernement l’engagement de soutenir publiquement l’action des humanitaires et de prendre des mesures fortes pour rétablir les conditions nécessaires à la poursuite de leur activité.

8. Les deux parties sont convaincues que l’APPR-RCA demeure le seul cadre viable, fédérateur et de référence pour une paix et une réconciliation durables dans le pays. A cet effet, elles se sont engagées à mutualiser les efforts visant à la redynamisation de sa mise en oeuvre, en coordination avec les garants et facilitateurs et les partenaires. Les deux parties reconnaissent le rôle fondamental  de la sous région dans les efforts de pacification du pays. Aussi, l’UE a souhaité une relance des commissions mixtes portant sur des questions sécuritaires, de gouvernance sous régionale et de développement.

9. Outre les mesures visant à garantir la paix et reconcilier les centrafricains, l’opérationnalisation de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation (CVJRR),  avec le concours des bailleurs, notamment l’UE, est attendue.  Une plus grande appropriation et de visibilité de la part du gouvernement de la Cour Pénale Spéciale sont également jugées comme essentielles.

10. Le gouvernement centrafricain a fait part de ses priorités et des réformes nécessaires qu’il compte engager à la suite de la vision présentée par le Président de la République dans le cadre du nouveau quinquennat. L’UE et les Etats membres, qui se tiennent prêts à accompagner la mise en œuvre de ces réformes, restent très attentifs aux signaux qui seront donnés par le nouveau Gouvernement, allant dans le sens d’un apaisement général, d’une reprise des efforts de paix, de réconciliation et de développement, ainsi qu’à des progrès tangibles sur les réformes engagées.

11. Les deux parties se sont accordées sur un accent particulier et un leadership du gouvernement sur les réformes et sont convenues de l’élaboration par le nouveau gouvernement, dans ses premiers 100 jours, d’une feuille de route des réformes prioritaires dans tous les secteurs afin de réconforter les partenaires dans leurs appuis.

12. Entre autres réformes prioritaires, la question de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, la transparence dans les concessions économiques et l’exploitation des ressources naturelles, le développement humain, l’éducation, l’amélioration du climat des affaires, la promotion effective du genre ont été mutuellement reconnues comme prioritaires, afin de renforcer la confiance dans la poursuite de la coopération et l’engagement financier dans le partenariat UE-RCA. Ainsi, les deux parties sont convenues de travailler pour plus de transparence et de coordination dans les appuis et le rôle joué par les différents partenaires et acteurs qui interviennent dans le domaine des finances publiques. L’UE a rappelé l’importance du dialogue entre le gouvernement et le Fonds Monétaire International et de la mise en place des réformes prévues dans ce cadre.

13. Devant l’ampleur de la désinformation, les deux parties se sont entendues pour un renforcement de la lutte à ce phénomène qui passe par des mesures fortes vis-à-vis des auteurs, un renforcement de la communication institutionnelle par le gouvernement et de l’accès à l’information par les médias, afin de rétablir la vérité et soutenir ses partenaires qui sont la cible de certains médias. La mise à disposition d’informations crédibles au profit des médias et l’accès par les médias et le public à des informations fiables constituent deux éléments essentiels pour mener efficacement la lutte contre la désinformation, sans oublier le renforcement des institutions chargées de réguler l’exercice de la liberté de la communication, comme le Haut Conseil de la Communication. Des propositions d’amélioration du cadre législatif ont été également évoquées. L’Union européenne a confirmé son engagement à venir dans le domaine du renforcement du secteur médiatique.

14. La justice a été reconnue comme domaine prioritaire de coopération et de réforme de la part du gouvernement dans le cadre de la lutte contre toute forme d’impunité, contre la corruption et contre les violations des droits de l’homme.  Les deux parties reconnaissent l’urgence de travailler davantage sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et la redevabilité du personnel judiciaire et pénitencier. Elles ont décidé de traduire dans les faits leur volonté politique de lutter contre la corruption, à travers l’exécution des décisions et sanctions disciplinaires. Une attention renforcée devra être portée aux violences basées sur le genre, à travers notamment un renforcement des institutions dédiées et de premiers procès sur des cas de violence basée sur le genre.

15. Dans la droite ligne des réformes dans le domaine de la justice s’inscrit également l’opérationnalisation de la justice militaire pour faire respecter le code de conduite militaire et mettre ainsi un terme à l’impunité face aux violations commises par les Forces de défense et de sécurité et par les Forces alliées, dès l’instant où les preuves sont irréfutables.  

16. La session a pris fin sur la note que « Ce qui est encourageant c’est la volonté d’aller de l’avant et raffermir les liens entre la République centrafricaine et l’UE et ses Etats membres ».  Un cadre de suivi et d’engagement sera mis en place à l’issue de ce dialogue.

La réunion s’est déroulée sous la co-présidence de S. E. le Prof. Faustin Archange Touadéra, Président de la République, Chef de l’Etat, en présence de M. Henri-Marie Dondra, Premier Ministre, et de plusieurs membres du Gouvernement nouvellement constitué :

  • Ministre d’Etat, Directeur de Cabinet à la Présidence, Obed Namsio
  • Ministre d’Etat à l’Economie, au Plan et à la Coopération, Félix Moloua
  • Ministre d’Etat, chargé de la Justice, de la promotion des droits humains et de la bonne gouvernance, garde des sceaux, Arnaud DJOUBAYE ABAZENE,
  • Ministre d’Etat chargé du désarmement, de la démobilisation, de la réintégration, du rapatriement et du suivi de l’accord politique pour la paix et la réconciliation, Jean WILLYBIRO-SAKO,
  • Ministre de la Défense nationale et de la reconstruction de l’Armée, Claude Rameaux Bireau
  • Ministre des Affaires étrangères, de la francophonie et des centrafricains de l’Etranger, Sylvie Baipo-Temon,
  • Ministre de l’intérieur et de la Sécurité publique, Michel Nicaise Nassin
  • Ministre chargé des Finances et du budget, Hervé Ndoba,
  • Ministre chargé de l’Action humanitaire, de la solidarité et de la réconciliation nationale, Virginie Baikoua,
  • Ministre chargé de la communication et des médias, porte-parole du gouvernement, Serge Ghislain Djorie
  • Ministre chargé des mines et de la géologie, Rufin Benam Beltoungou

Du côté européen, la co-présidence a été assurée par l’Ambassadrice de l’Union européenne S.E.

Samuela Isopi, assistée du Directeur de la MPCC et Directeur général de l’Etat-Major militaire de l’UE, Vice-Amiral Hervé Bléjéan, de l’ambassadeur de l’Allemagne, S.E. Dr. Corinna Fricke, de l’ambassadeur de Belgique, S.E. Eric Jacquemin, de l’Ambassadeur de France, S.E. Jean-Marc Grosgurin, du Commandant de la mission EUTM, General de Brigade Paulo Neves de Abreu, du Commandant de la mission EUAM, Colonel Paulo Soares.